Les Triomphes de Pétrarque
illustrés par le vitrail de l’Aube au xᴠɪᵉ siècle
100 vitraux de l’Aube du xᴠɪᵉ siècle
Poète amoureux, Pétrarque chante sa rencontre avec Laure, dame aux cheveux d’or. Le dédain de la belle fit saigner son cœur. Il offre alors à la littérature les plus beaux vers d’amour et aux lecteurs un pèlerinage de vie humaine.
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Le Livre
La grande rencontre
Depuis toujours, Diane de Selliers rêvait de réunir dans « La Collection » les trois grands maîtres de la poésie italienne du trecento. Après le succès de La Divine Comédie de Dante illustrée par Botticelli (1996) et du Décaméron de Boccace illustré par l’auteur et les peintres de son époque (1999), Pétrarque manquait à l’appel.
Cette absence est enfin comblée : Pétrarque rejoint « La Collection » avec ses Triomphes, un poème allégorique célébré dans l’Europe renaissante, enfin redécouvert.
Ce trésor en cache un autre : une baie unique au monde, un vitrail d’une petite église au cœur de l’Aube illustrant ce texte. C’est cette merveille du patrimoine français et de l’histoire de l’art que nous avons choisi de faire découvrir au lecteur. Notre livre réunit ainsi deux œuvres inédites : un poème et un vitrail, chacun flamboyant de couleurs et d’émotions.
Le songe
Tout commence par un songe. Un beau jour de printemps, Pétrarque, assoupi au pied d’un arbre, reçoit la vision de l’Amour personnifié. Il apparaît, magnifique et puissant, sous les traits de Cupidon conduisant un char. Celui-ci est suivi par une foule d’hommes et de femmes, amoureux les plus illustres de l’histoire des hommes, marchant derrière lui en cortège. Pétrarque s’approche, en reconnaît certains, en interroge d’autres et écoute leurs histoires. Il finit par rejoindre les rangs de ce cortège de martyrs du dieu Amour, puisqu’il est profondément épris d’une jeune femme, Laure, qui tourmente son âme et ne lui rend pas son amour. Les vers du poète s’associent à la longue plainte de tous ces grands personnages ayant souffert d’Amour : Persée et Andromède, Ulysse et Pénélope, puis Antoine et Cléopâtre, Samson et Dalila, Hérode et Marianne, Lancelot et Guenièvre, et bien d’autres encore. Le cortège est aussi composé d’une cohorte de poètes, avec à sa tête Orphée, suivi par les grands poètes de l’amour grecs et latins, par les toscans, dont Dante, et par les poètes provençaux à la suite desquels Pétrarque se place.
Le triomphe de l’Amour est troublé par l’arrivée de l’allégorie de la Chasteté, qui apparaît à Pétrarque sous les traits de Laure, la seule capable de réduire à néant les ardeurs de Cupidon. Après un combat dont elle sort victorieuse, Chasteté défile triomphante suivie des vierges, saintes et fidèles épouses de l’histoire et de la littérature.
Seule la Mort, qui fauche la vie de la jeune Laure emportée par la peste, peut vaincre cette majestueuse Chasteté et donner lieu au troisième Triomphe. Pétrarque rappelle, par la force des vers, sa bien-aimée à la vie : un dernier dialogue a lieu entre le poète et la jeune fille, qui le réconforte et le guide vers un amour plus pur encore. Pétrarque demeure seul face à une souffrance profondément humaine, et suit des yeux le cortège des vies emportées par la Mort.
Le triomphe de la Mort est ensuite supplanté par celui de la Renommée : les noms glorieux des plus valeureux soldats antiques sont encore sur toutes les lèvres, à l’instar de ceux des savants qui nous sont parvenus de l’histoire lointaine. Pétrarque contemple ainsi Hannibal, Hadrien, Aristote ou Tite-Live, qui se serrent dans les rangs du cortège de la Renommée.
La Renommée est à son tour vaincue par le Temps, dont le triomphe efface par l’oubli les plus grandes gloires. Le poète ressent alors le caractère vain de toute entreprise terrestre et regrette de ne pas avoir eu conscience plus tôt de la fugacité de toute chose.
C’est enfin l’Éternité qui apparaît au poète : suprême triomphatrice du Temps et de toute chose, elle est évoquée comme un nouvel espace, une nouvelle temporalité dont la beauté n’a d’égale que celle de Laure. Cette dernière y a d’ailleurs trouvé refuge, et Pétrarque se réjouit de pouvoir un jour l’y retrouver
Le texte
Le poète
François Pétrarque (Francesco Petrarca) naît en 1304, à Arezzo près de Florence. Il passe sa jeunesse entre Avignon, Carpentras, Montpellier et Bologne, étudiant le latin, la rhétorique puis le droit. À 24 ans, orphelin de père et de mère, il rentre en Avignon. À cette époque il fait la connaissance de Laure, une jeune dame noble dont il tombe éperdument amoureux et qui ne lui rendra jamais son amour, étant déjà mariée. Cette rencontre est le point de départ d’une poésie amoureuse qui fera de lui le poète le plus influent de la littérature européenne à la Renaissance.
Dans les années suivantes, Pétrarque voyage à travers l’Europe : il achète et étudie les manuscrits des auteurs antiques et des Pères de l’Église, entreprend un travail de retour aux sources latines, et découvre les lettres de Cicéron qui inspireront sa correspondance. Reconnu comme le premier humaniste par ses pairs pour son travail d’érudition, il multiplie les rencontres et s’entoure d’un impressionnant réseau de penseurs avec lesquels il partage ses trouvailles et parfait ses connaissances. De son vivant, Pétrarque est ainsi le lettré le plus célèbre de toute l’Europe, et forme avec Dante et Boccace le tre corone fiorentine, le grand trio de la poésie italienne.
Établi à Fontaine-de-Vaucluse sur les bords de la Sorgue, il s’engage par ses écrits aux côtés des partisans de la papauté romaine contre Avignon, et tente à plusieurs reprises d’intervenir auprès des puissants mettre un terme aux nombreux conflits qui divisent les États italiens. Il quitte définitivement la Provence en 1353 pour passer les vingt dernières années de sa vie entre Milan, Venise, Padoue et Rome. Il meurt en 1374 à Arqua dans la province de Padoue, à l’âge de 70 ans, alors qu’il rédigeait une biographie de César.
Une influence immense sur la littérature européenne
La renommée littéraire de Pétrarque s’est essentiellement construite sur son oeuvre latine : après Des hommes illustres (De viris illustribus), une oeuvre d’érudition composée de 37 portraits d’hommes illustres de l’Antiquité, c’est son poème épique L’Afrique (De Africa), consacré à la seconde guerre punique menée contre Carthage par Scipion l’Africain, qui lui apporte le succès et la gloire littéraires. Le 8 avril 1341 au Capitole à Rome, il est couronné des lauriers d’Apollon, distinction prestigieuse qui lui confère une réputation sans égale en Europe. De nombreux autres textes, dont La vie solitaire (De vita solitaria) ou Mon secret (Secretum Meum) forgent une oeuvre de réflexion philosophique et mystique où le poète est à la recherche d’un idéal de sagesse chrétienne allié aux modèles antiques. Ces textes latins sont aujourd’hui moins connus, la postérité de Pétrarque étant bien plus fortement liée à son oeuvre écrite en italien.
C’est en effet dans sa langue maternelle, le toscan, que le poète rédige tout au long de sa vie les poèmes d’amour destinés à Laure, qui sont recueillis dans le célèbre Chansonnier (Canzoniere). Ces poèmes sont rapidement traduits dans plusieurs langues : Pétrarque apprend aux poètes européens de la Renaissance à chanter l’amour d’une nouvelle manière. L’intimité du cœur s’exprime désormais à la première personne, et la métrique se cale sur le rythme de l’endécasyllabe du Chansonnier. Pétrarque influence la vie intellectuelle et littéraire de son temps, et plus largement toute l’histoire de la poésie européenne : de Pierre de Ronsard et autres poètes de la Pléiade à William Shakespeare en passant par Luis de Góngora, ses vers insufflent à la poésie européenne une nouvelle musicalité, des images poétiques inédites, canonisées jusqu’au romantisme où le Moi lyrique connaît son apothéose. Ce modèle est encore présent chez Mallarmé et les poètes italiens du xxᵉ siècle, et jusqu’à aujourd’hui dans toute oeuvre poétique qui s’inscrit dans l’intimité du sentiment amoureux.
Les Triomphes, un long poème allégorique
Après s’être assoupi au pied d’un arbre, Pétrarque rêve et voit défiler différentes allégories personnifiées : l’Amour, la Chasteté, la Mort, la Renommée, le Temps et l’Éternité. Elles apparaissent tour à tour, se succédant au fur et à mesure qu’elles triomphent les unes des autres. Chaque personnification se présente sur un char, vainqueur de celle qui la précède.
Le premier triomphe est celui de l’Amour : il est « un jeune enfant cruel » qui défile sur un char suivi des amoureux de l’histoire et de la littérature dont il a triomphé. Il est pourtant vaincu par la Chasteté, qui apparaît à Pétrarque sous les traits de Laure et dont le triomphe est accompagné d’un cortège rassemblant de nombreuses figures de la vertu. Cependant, au grand désespoir du poète, la Chasteté est vaincue par la Mort. Cette dernière est elle-même supplantée par la Renommée, qui fait vivre les hommes par-delà leur disparition. Ce quatrième triomphe s’efface à son tour devant celui du Temps, qui dévore la vie sans interruption ni répit… Finalement le poète assiste au triomphe de l’Éternité, qui illustre et exalte l’amour sacré que chaque homme doit trouver en lui. Laure y a trouvé refuge et Pétrarque se languit de l’y retrouver.
Un amour éternel
Lorsqu’il entame la rédaction des Triomphes en 1338, Pétrarque est âgé de 34 ans et a rencontré Laure onze ans auparavant. Il écrit une première version du Triomphe de l’Amour avant d’abandonner son ouvrage sur le métier. Il ne le reprend que dix-neuf ans plus tard, âgé de 53 ans, dix ans après la mort de Laure, emportée par l’épidémie de peste noire qui a décimé la population européenne au printemps 1348. C’est un Pétrarque plus âgé, mais aussi extrêmement célèbre qui reprend et corrige le Triomphe de l’Amour. Pendant plus de quinze ans, le poète poursuit l’écriture de ce poème allégorique. L’année de sa mort (1374), Pétrarque rédige le Triomphe de l’Éternité mais laisse inachevés le Triomphe de la Renommée et le Triomphe du Temps.
Une oeuvre d’érudition, de spiritualité et de poésie
Écrit en italien et composé de six chants (un par allégorie), le poème reprend le modèle antique du triomphe militaire romain, moment où les vainqueurs faisaient défiler leurs trophées et leurs prisonniers de guerre. Pétrarque, par l’imposante fresque de personnages réels et fictifs peinte au fur et à mesure des différents cortèges, manifeste son immense érudition et oeuvre à la mise en valeur de la culture antique dans une Europe pré-renaissante. Il fait ainsi du monde chrétien, auquel il appartient, l’héritier du monde antique dont il rappelle les gloires et l’esthétique. Le texte possède également une dimension initiatique qui se révèle au fil du cheminement de Pétrarque. Éconduit par celle qu’il aime, le poète transforme progressivement son amour charnel en amour spirituel. Le paroxysme est atteint avec le Triomphe de l’Éternité, qui apaise le cœur de Pétrarque puisqu’il parvient à aimer Laure d’un amour pur. Les six triomphes dessinent ainsi un chemin spirituel qui guide le lecteur, à travers la figure de Pétrarque, de l’amour charnel à l’amour sacré.
Les Triomphes de Pétrarque sont aussi un chant magnifique des tourments de la vie humaine, qui rappelle la fragilité de cette dernière. À une époque où la peste décime la population européenne en quelques années, désolant campagnes et villes en les transformant en « champs de morts », la plume et les larmes du poète ne laissent pas le lecteur indemne. Touché au plus profond de son être par l’amour puis par la perte de cet amour, Pétrarque exprime une douleur à la fois intime et universelle dans une poésie remarquable par sa musicalité et poignante par ses images.
L’iconographie
Le texte des Triomphes de Pétrarque a fortement marqué l’histoire de l’art. Le motif des chars, hérité de la tradition antique, a été repris par nombre d’artistes ; les figures de Pétrarque et de Laure surgissent parfois dans des œuvres italiennes ; de superbes miniatures ont également orné des manuscrits des Triomphes. Mais c’est par une iconographie méconnue, audacieuse et originale que le texte de Pétrarque est sublimé : nous nous sommes tournées vers les vitraux du xᴠɪᵉ siècle du département de l’Aube, et plus particulièrement vers le vitrail qui est le fil rouge de notre livre : la baie d’Ervy-le-Châtel, la seule au monde illustrant les Triomphes, rencontrée par un heureux hasard en 2016.
La baie des Triomphes d’Ervy-le-Châtel : un vitrail unique au monde
Un livre illustrant Les Triomphes n’aurait pu se passer de la pièce unique qu’est la baie des Triomphes d’Ervy-le-Châtel. Exposée jusqu’en janvier 2019 à la Cité du vitrail de Troyes, cette baie datant de 1502 provient de l’église Saint-Pierre-ès-Liens dans la ville d’Ervy-le-Châtel. Petit bourg de l’Aube méridionale situé près de Troyes, Ervy était l’une des villes-étapes des marchands du sud en route vers les célèbres foires de Champagne.
Ce vitrail est une interprétation inédite des Triomphes, qui lie avec subtilité le texte humaniste de Pétrarque et les préoccupations morales d’une femme du xᴠɪᵉ siècle. Comme le poète, Jehanne Leclerc a le cœur en peine après le décès de son mari Pierre Girardin. Elle trouve du réconfort dans ce poème d’amour et d’espérance qui sublime les retrouvailles dans l’Éternité. Pour immortaliser son couple, elle se fait représenter, ainsi que son mari, au registre inférieur de la baie. Le couple entoure la Vierge et, dans sa robe de deuil, Jehanne contemple son amour pour toujours.
Le vitrail d’Ervy est une donation attestée à l’église de la ville, et nous pouvons supposer que l’oeuvre de Pétrarque est parvenue à Ervy par l’entremise de manuscrits italiens, ou des fragments de l’oeuvre en latin, qui circulent dès la mort de Pétrarque.
Le vitrail d’Ervy est au cœur de notre ouvrage : ses six figures allégoriques illustrent le texte de Pétrarque et regorgent de détails surprenants. Le lecteur découvrira ainsi un couple serti d’un plomb formant un cœur passant sous le char de l’Amour, les instruments de torture de la Chasteté prête à le vaincre, le monde entier tenu dans la main de la Renommée… La virtuosité de son exécution et la qualité de sa conservation en font un chef-d’oeuvre du « beau xᴠɪᵉ siècle », style de vitrail remarquable par ses couleurs vibrantes, ses sertissages de plomb accentuant le dessin, son utilisation du jaune d’argent et ses découpes de verre complexes.
Le vitrail de l’Aube au xviᵉ siècle, un patrimoine incomparable
Avec plus de 1 000 baies recensées, le département de l’Aube est le plus riche de France en vitraux du xᴠɪᵉ siècle. De Troyes à Bérulle en passant par Chavanges et Auxon, une sélection de verrières découvertes dans de nombreuses églises vient magnifiquement compléter le vitrail d’Ervy. Le lecteur pourra découvrir des trésors insoupçonnés et renouer avec quelques baies célèbres, comme le vitrail de la Création de l’église Sainte-Madeleine de Troyes. Notre sélection au cœur de l’Aube rend hommage à un patrimoine remarquable et à l’art des peintres verriers.
Des prises de vues exceptionnelles
Enchâssés dans leur écrin de pierre, les vitraux restent bien souvent dans l’ombre de leur édifice, aperçus seulement par les fidèles passant la porte.
Grâce à la mise en oeuvre d’une technologie de pointe impliquant notamment des drones, notre livre dévoile des oeuvres cachées et inaccessibles à l’oeil humain. Pendant plusieurs semaines, à l’affût de conditions météorologiques favorables, le photographe Christophe Deschanel et la conservatrice Flavie Vincent-Petit ont arpenté l’Aube pour mener la campagne photographique qui nous a permis de reproduire les vitraux sélectionnés pour illustrer les Triomphes. Inédits, d’une qualité incomparable et constante, ces clichés présentent des œuvres pour la plupart inconnues du grand public et n’ayant jamais été photographiées.
Le lecteur découvrira des détails qu’il ne pourrait voir à l’oeil nu, à cause de leur taille (parfois quelques centimètres seulement) et de leur emplacement.
Libérés de l’empreinte du temps et des restaurations anciennes, des plombs de casse qui les balafraient et en brouillaient la lecture, plusieurs de ces vitraux revivent dans notre livre, comme ceux de l’église d’Aulnay, mis en caisse depuis les années cinquante et tenus depuis trop longtemps loin des regards. Les lecteurs des Triomphes auront la primeur de l’éclat retrouvé de ces baies, parmi les plus belles de l’Aube.
Un traitement moderne du vitrail
Le vitrail est un médium très particulier, l’observation est rendue complexe par sa dépendance à la lumière. L’un des défis des Triomphes de Pétrarque illustrés par le vitrail de l’Aube au xᴠɪᵉ siècle fut de donner à voir cette forme de peinture – car il s’agit bien de peinture – dans toute sa complexité artistique et technique. Les choix de cadrage insufflent une grande modernité à cet art : les grandes verrières aux programmes iconographiques complexes, insaisissables aux non-spécialistes, deviennent des œuvres accessibles et touchantes. Les détails issus d’immenses baies ou de scènes particulièrement dynamiques forment un ensemble d’illustrations qui orientent le regard du lecteur, lui permettant de s’attarder un instant sur un panneau, une pièce de verre sertie de plomb transformée en miniature ou en tableau. La mise en scène contemporaine de l’art du vitrail que nous offrons dans ce livre révèle sa nature méditative, fragile et apaisante, en particulier dans ses moments d’abstraction, créant ainsi un mariage parfait avec la poésie de Pétrarque.
Les apports
La traduction
Une traduction inédite
Les Triomphes n’avaient pas fait l’objet d’une traduction en français depuis celle de Fernand Brisset en 1903, reprise ensuite en 1934. Près d’un siècle sépare donc cette nouvelle traduction de Jean-Yves Masson de la dernière version existante, composée en alexandrins dans une langue très francisée et éloignée de l’original italien.
Retrouver le souffle de la poésie de Pétrarque
Jean-Yves Masson est écrivain, traducteur, critique littéraire et professeur de littérature générale et comparée à l’université Paris-Sorbonne, mais il est avant tout poète. Et il fallait le talent d’un poète pour traduire l’italien du xɪᴠᵉ siècle dans une langue française vivante et actuelle. Pour Jean-Yves Masson, c’est la régularité du rythme qui conduit au sens de ce poème allégorique (une lecture à voix haute permet d’ailleurs d’en pénétrer plus directement la signification). Afin de rester fidèle à la forme et la structure des Triomphes, il s’est astreint à une règle fondamentale : suivre le texte vers à vers, en respectant le nombre de vers de l’original. Pour rester près du rythme de l’endécasyllabe italien, Jean-Yves Masson a choisi le décasyllabe, dont la cadence et la pulsation du vers permettent de restituer le sens. Il laisse de côté la rime, qui l’obligerait à d’impossibles distorsions de la syntaxe, et le vers libre, qui déforme l’architecture du poème. Le décasyllabe, vers d’élection des poètes français du xᴠɪᵉ siècle, moment où la réception de l’oeuvre de Pétrarque en France et en Europe est au plus fort, s’est ainsi imposé au traducteur.
Le choix de la traduction dans une langue contemporaine
Jean-Yves Masson a également fait le choix de traduire Pétrarque dans un vocabulaire contemporain plutôt que dans une langue archaïsante et artificiellement proche de l’époque de Pétrarque. Il rapproche ainsi l’oeuvre du lecteur contemporain, sans pour autant déroger à l’exigence lexicale propre aux vers de Pétrarque, poésie noble qui s’adresse à un public d’érudits. Avec cette nouvelle traduction, Jean-Yves Masson parvient à ce point d’équilibre alliant l’érudition de la langue, l’accessibilité et l’immédiateté de l’image poétique, provoquant l’émotion du lecteur.
Une édition bilingue présentant le texte original italien
Afin de prolonger le bonheur de la traduction de Jean-Yves Masson, et pour le plaisir de la musicalité italienne des mots choisis par Pétrarque, nous offrons à nos lecteurs la possibilité de naviguer d’une langue à l’autre grâce au texte original présenté en regard de la traduction.
L’appareil critique
Les introductions
Jean-Yves Masson nous donne dans son introduction des clés de lecture pour rendre sensible l’aspect radicalement novateur de ce texte méconnu du public français. Replaçant l’auteur dans son contexte, il nous aide à percevoir la force et la nouveauté de la conception de l’amour humain selon Pétrarque, qui se diffusera dans toute l’Europe pendant des siècles. Jean-Yves Masson dépoussière les Triomphes et dévoile au lecteur du Xxɪᵉ siècle un sommet de la poésie européenne, au fondement de l’humanisme naissant.
La voie d’Amour : regard sur le vitrail des Triomphes – Paule Amblard
Dans son introduction, Paule Amblard fait revivre la peine d’amour d’une femme du xᴠɪᵉ siècle ayant perdu son mari et choisissant de l’honorer et de se consoler par cette représentation en vitrail des Triomphes. Plus d’un siècle et demi après l’écriture du texte de Pétrarque, le vitrail d’Ervy-le-Châtel en est une interprétation chrétienne et allégorique. En cette fin du Moyen Âge, l’art est symbolique, il se veut porteur d’un enseignement que Paule Amblard décrypte avec humanité, nous faisant pénétrer dans un passionnant réseau de significations. Le vitrail devient chemin d’évolution : à la fois voie spirituelle, initiation chrétienne et manifeste philosophique nous interrogeant sur le sens de la vie.
D’art et de lumière – Flavie Vincent-Petit
Flavie Vincent-Petit libère le vitrail d’une définition trop étroite qui en fait un simple assemblage de verre et de plomb, et nous livre dans ce texte sa propre vision de cet art : une composition lumineuse indissociable de son contexte et associant dimensions pratiques, artistiques et spirituelles. Structuré par son cadre architectural, le vitrail transfigure celui-ci et le sublime. Inondant la pierre d’une ambiance onirique, la lumière filtrée par la couleur se fait divine. C’est dans ce dialogue fécond entre fragilité lumineuse, vibration du détail peint et monumentalité architecturale que s’installent l’immatériel et le céleste.
Le vitrail aubois du xᴠɪᵉ siècle – Flavie Vincent-Petit
Flavie Vincent-Petit retrace la genèse de l’âge d’or du vitrail champenois, le « beau xᴠɪᵉ siècle ». Dans un contexte économique florissant, lié à une stabilité politique retrouvée, les grands chantiers d’églises et de cathédrales se multiplient, donnant lieu à de nombreuses commandes de vitraux de la part de riches mécènes (bourgeoisie commerçante, confréries, chapitres d’abbaye, etc…). Elle montre comment la région de Troyes, au croisement de deux grands axes routiers, devient un carrefour d’influences artistiques et l’une des principales capitales du vitrail européen.
Des commentaires iconographiques
Pour accompagner le vitrail d’Ervy-le-Châtel et la centaine de détails des vitraux de l’Aube qui illustrent le texte de Pétrarque, Paule Amblard et Flavie Vincent-Petit proposent un éclairage symbolique et technique. Elles examinent les vitraux et révèlent au lecteur la profonde richesse des allusions qu’ils contiennent.
Un superbe glossaire illustré
Conçu pour permettre au lecteur d’apprécier le talent des maîtres verriers et de comprendre les étapes de fabrication d’un vitrail, ce glossaire met en parallèle des photographies prises en atelier et des illustrations du résultat tel qu’il peut être vu dans le vitrail du xᴠɪᵉ siècle. Flavie Vincent-Petit montre les subtilités de la fabrication d’un décor peint sur verre, en attirant l’attention sur les matériaux et l’exécution. Ce glossaire contient une définition revue du mot « vitrail », que l’auteure a eu l’occasion de penser et repenser au fil des années qu’elle a passées à travailler la matière, à créer ses propres pièces, à côtoyer et restaurer les chefs-d’oeuvre du genre.
Les notes
Pour notre édition, la traduction de Jean-Yves Masson est enrichie de notes donnant au lecteur les références des sources antiques et bibliques dont le texte est pétri. Elles éclairent les nombreuses allusions littéraires, historiques ou religieuses que Pétrarque a glissées dans le poème et rappellent l’histoire de chacun des personnages mythologiques, religieux ou historiques cités.
Revue de Presse
Il s’agit probablement d’un des plus respectables gestes éditorial de la fin d’année 2018.
Mémoire des arts, Alain Vollerin
Un poème, un vitrail et un rêve se voient réunis en un même livre, somptueux.
24 heures, P.Z.
Au delà de la simple illustration, c’est alors la poésie des mots qui met en scène les symboliques picturales. Leurs parallèles tendent à recontextualiser ces œuvres dans leur magie originelle comme dans leur filiation, et de l’une à l’autre, tendent à rafraîchir, à réactualiser, notre perception de l’histoire de l’art.
L’œil, J.B.
Le résultat est d’une rare beauté…
Point de vue, M.H. et F. del V.
Disons-le d’emblée, l’ouvrage est exceptionnel […].
La Croix, Benoït Sagazan
Un livre lumineux.
Les Échos Week-End, Claude Vincent
Cet ouvrage d’exception est donc né de la rencontre d’auteurs très compétents et la synergie entre tous ces acteurs a produit un livre d’une fulgurante magnificence.
La Vie en Champagne, MDL
Ce livre met en parallèle des extraits des Triomphes et des vitraux du patrimoine français. Somptueux.
Le Parisien, Patrick Cockpit
Les sonnets du poète, excellemment traduits par Jean-Yves Masson (la dernière traduction, partielle, datait de 1934) et accompagnés d’un imposant appareil critique, sont livrés dans un coffret qui frise l’élégance suprême.
L’Express, Marianne Payot