Des Mérites comparés du saké et du riz
illustré par un rouleau japonais du xᴠɪɪᵉ siècle
Rouleau japonais du xᴠɪɪᵉ siècle (11 scènes, 39 détails). 62 illustrations.
1 volume sous coffret illustré, 248 pages, 29 × 27 cm.
9782364370395 2014
2018 : prix d'honneur du Ministre des Affaires étrangères du Japon
160,00€
L’univers médiéval japonais comme il n’a jamais été vu : gastronomie, architecture, banquets, art de vivre, mis en scène dans un splendide rouleau illustrant une « disputation » entre un noble, un moine et un guerrier.
Coédition avec la Bibliothèque nationale de France
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Le Livre
Des mérites comparés du saké et du riz met en scène sur un ton humoristique un noble amateur de saké, un moine gourmand de riz et un guerrier partisan de la « Voie du milieu », la modération. La traduction de ce texte est la première jamais publiée. Si l’intérêt de ce rouleau réside dans sa valeur artistique et esthétique, il constitue également un précieux témoignage sur la société japonaise et ses pratiques culinaires
Ce livre est publié en coédition avec la BnF et bénéficie de la contribution de spécialistes internationaux de la gastronomie, de la culture, de la littérature et de l’art japonais des xᴠɪᵉ et xᴠɪɪᵉ siècles. Pour la première fois, une campagne photographique complète a été réalisée sur le manuscrit de la BnF: une prise de vue des quatre sections, des onze scènes et de trente-neuf détails permettent une lecture où chaque détail du rouleau est mis en valeur.
L'Iconographie
Ce texte sur les Mérites comparés du saké et du riz était accompagné de peintures qui venaient à leur manière le compléter et l’enrichir. Les manuscrits qui ont subsisté se présentent sous la forme de rouleaux, faisant alterner zone de texte et zone d’images, suivant un format employé pour les œuvres de haut rang dans le Japon médiéval.
Le rouleau conservé au département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France a été acquis en 1994 lors d’une vente publique à Paris. Sous la forme d’un ruban de papier de 31 cm de haut sur 7,30 m de long, ce Rouleau sur les mérites comparés du saké et du riz (Shuhanron emaki) présente des scènes de repas et de cuisine baignant dans des atmosphères différentes – ébriété, sobriété, modération – dont le rendu est remarquablement servi par l’expression des protagonistes, la vivacité des couleurs, la beauté des lignes et la précision des détails.
Ce rouleau s’inspire d’une œuvre du début du xᴠɪᵉ siècle, aujourd’hui perdue, due à Kanô Motonobu, l’un des plus grands peintres de la fin du Moyen Age. La version de la Bibliothèque nationale de France est datée de la première moitié de l’époque d’Edo (fin du xᴠɪɪᵉ-début du xᴠɪɪɪᵉ siècle). Par la qualité de sa facture et la cohérence de son iconographie, elle est considérée à ce jour comme la plus belle des copies.
Près de deux cents heures d’un travail très minutieux de traitement des couleurs en photogravure ont été nécessaires pour arriver à un degré d’excellence qui restitue toute la beauté du rouleau. De nombreuses séances de comparaison avec le rouleau original ont permis une reproduction au plus haut point fidèle.
Il a fallu œuvrer en orfèvre pour rendre, par exemple, au rouge d’un vêtement sa teinte orangée et éviter que la peau du personnage qui le porte ne se colore par extension. Il a également fallu reprendre une à une les fleurs du saule – originellement d’un jaune vif – qui avaient perdu de leur éclat à la photographie alors même qu’elles constituent, sur le rouleau original, le premier détail attirant l’œil du spectateur. Par ailleurs, chaque détail de couleur or a fait l’objet d’un travail sur la lumière et la texture. Le résultat surprend et ravit par l’authentique restitution des couleurs, il révèle la beauté du rouleau et appelle à la contemplation.
Le Texte
L’auteur supposé de ce texte, Ichijô Kaneyoshi (1402-1481), est un noble de cour et un immense lettré, très respecté pour son érudition. Rédigé dans une période troublée du Japon alors en proie à des guerres civiles sanglantes, Des mérites comparés du saké et du riz est une œuvre à la portée allégorique qui parodie le genre de la disputation.
Divertissante, la disputation entretient des liens étroits avec le genre de l’élégie en Chine, les arts de la scène, le monde religieux et les débats scolastiques. Les disputations les plus courantes en Chine et au Japon mettent aux prises le vin et le thé, ou le saké et les gâteaux de riz. Des Mérites comparés du saké et du riz est le seul cas connu où le saké s’oppose au riz.
Tandis que le premier personnage, un noble répondant au nom de Tientlonguet Maîtrechai, est amateur de saké et défend avec éloquence les bienfaits de la boisson, le deuxième, le moine Aymeriz Gardemanger, est un adepte de la sobriété qu’il compense par un goût prononcé pour le riz. Le guerrier Tempérant Entrebassin, quant à lui, recommande une alimentation diversifiée. Ensemble, ils devisent et confrontent leurs points de vue, critiquant les travers des autres et exaltant les vertus de leur propre appétence culinaire. Le texte s’achève par l’éloge de la modération.
Le succès de ce texte tient autant à ses qualités littéraires et à son ton humoristique qu’aux multiples lectures qu’il autorise : derrière la dispute culinaire se profile une dispute religieuse à portée plus spirituelle qui, sous couvert de vanter le saké et le riz, prône de façon parodique les valeurs de la « Voie du milieu » chère au bouddhisme Tendai.
Le Rouleau sur les mérites comparés du saké et du riz– aujourd’hui conservé à la Bibliothèque nationale de France – a été amputé de son texte sans doute au xɪxᵉ siècle, son ancien propriétaire ayant sans doute préféré conserver uniquement les parties illustrées, réassemblées les unes aux autres.
Claire-Akiko Brisset a dirigé une équipe d’une dizaine de chercheurs durant plus de trois ans afin de traduire ce texte à partir de la version la plus ancienne connue à ce jour, datant du xᴠɪᵉ siècle, conservée à l’Agence japonaise des affaires culturelles. Ce travail a été confronté aux difficultés que présente un texte de cette époque : les tournures de phrases particulières au japonais médiéval,
les jeux de mots et les spécificités d’écriture ont représenté autant de défis à relever. Le ton et le vocabulaire propres au japonais ancien, les inventions lexicales et les jeux de mots sont rendus avec justesse et finesse grâce à une collaboration d’universitaires et aux conseils de spécialistes.
Estelle Leggeri-Bauer et Véronique Béranger apportent des informations essentielles sur les dimensions littéraire, esthétique, historique et philosophique du rouleau. Le lecteur est ainsi immergé au cœur du Japon de l’époque d’Edo. Estelle Leggeri-Bauer, maître de conférences à l’Inalco et spécialiste de la peinture narrative japonaise, et Véronique Béranger, conservateur à la Bibliothèque nationale de France, nous éclairent sur les rapports entre l’image et le texte, la symbolique, l’art culinaire et les coutumes de l’époque.
Komine Kazuaki, professeur émérite à l’université Rikkyo, partage sa découverte de l’exemplaire du rouleau illustré de la Bibliothèque nationale de France et son admiration devant le travail d’analyse mené autour de cette œuvre. Il nous initie au rapport étroit reliant les pratiques alimentaires aux domaines de la littérature et de l’art au xᴠɪᵉ siècle.
Claire-Akiko Brisset s’intéresse au contexte politique, social et religieux, et permet au lecteur de comprendre l’humour omniprésent au sein du texte et des illustrations, afin de saisir au mieux les sous-entendus. Elle étudie le discours des trois protagonistes : le noble, le moine et le guerrier, chacun utilisant un style de discours qui représente son statut social. Elle rappelle qu’au-delà du jeu ludique de la disputation des thèmes primordiaux de l’époque sont traités : la supériorité croissante des guerriers qui bouleverse la politique, les enjeux économiques se développant autour du riz et du saké, les tensions religieuses des trois grandes sectes de cette époque, chacune incarnée par un des personnages.
Tandis que le premier personnage, un noble répondant au nom de Tientlonguet Maîtrechai, est amateur de saké et défend avec éloquence les bienfaits de la boisson, le deuxième, le moine Aymeriz Gardemanger, est un adepte de la sobriété qu’il compense par un goût prononcé pour le riz. Le guerrier Tempérant Entrebassin, quant à lui, recommande une alimentation diversifiée. Ensemble, ils devisent et confrontent leurs points de vue, critiquant les travers des autres et exaltant les vertus de leur propre appétence culinaire. Le texte s’achève par l’éloge de la modération.
Estelle Leggeri-Bauer et Véronique Béranger étudient dans cette introduction la place des rouleaux illustrés dans la peinture japonaise du xᴠɪᵉ siècle et nous font découvrir le peintre présumé du premier rouleau des Mérites comparés du saké et du riz, Kanô Motonobu. Elles révèlent au lecteur les particularités du style de ce maître, hautement estimé de son vivant et source d’inspiration pour ses successeurs. Les illustrations des Mérites comparés du saké et du riz accordent une grande importance au thème du banquet : l’exactitude historique des scènes de repas est frappante et permet une analyse précise de pratiques culinaires peu décrites habituellement, de la préparation des ingrédients à la dégustation des mets. Elles nous éclairent enfin sur la signification des étapes du banquet choisies par Kanô Motonobu, complémentaires et complices du texte, qui mènent à la défense de la modération.
Cinq contributions de spécialistes complètent la lecture et offrent une plongée au cœur de la société japonaise du xᴠɪᵉ siècle.
- « De la disputation à l’éloge : histoire d’un genre » de Jacqueline Pigeot, professeur émérite à l’université Paris Diderot. Ce texte permet de comprendre les enjeux de l’éloge et de la disputation dans le Japon médiéval.
- « Naissance de la gastronomie japonaise » de Jane Cobbi, ethnologue, chercheur au CNRS, directeur du Programme Japon, Fondation Maison des sciences de l’homme, Paris. Cet article décrit l’alimentation des Japonais au xᴠɪᵉ siècle à travers le rapport aux boissons (thé, saké), et aux aliments (plats carnés ou végétariens).
- « Saké et banquet dans le Japon du xᴠɪᵉ siècle » d’Isao Kumakura, historien, président de l’université d’Art et de Culture de Shizuoka, professeur émérite du Musée national d’ethnologie, président du Comité de présentation du repas japonais auprès de l’Unesco (liste du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité). L’histoire de la forme du repas cérémoniel et de la structure du banquet avec de nombreux détails sur la signification de la préparation et de la consommation de certains aliments et boissons.
- « Ustensiles de vaisselle et différences sociales. Les objets de la controverse » de Michel Maucuer, conservateur en chef du patrimoine, musée Cernuschi. Revue détaillée des ustensiles de vaisselle dans la société japonaise du xᴠɪᵉsiècle : fabrication, matériaux, utilisation, et statut social de leur propriétaire.
- « La fabrication du saké : processus biochimique et procédé technique » de Yoshio Abé. Un descriptif très complet de la méthode de fabrication du saké en usage depuis le xᴠɪɪᵉ siècle