Quel regard portez-vous sur les dix-huit dernières années au sein des Éditions ?

Un regard heureux et émerveillé. En 1999 j’ai rencontré Diane de Selliers, qui m’a transmis avec cœur et générosité son savoir-faire, et avec qui je partage depuis un même désir : offrir à nos lecteurs la beauté d’un texte et des œuvres d’art qui l’illustrent, leur proposer chaque année une rencontre, un univers d’art et de culture. Cela suppose de s’engager soi-même dans une aventure de découverte : une chance ! À la fin, l’enthousiasme et l’émotion de nos lecteurs nous comblent et nous donnent l’énergie de poursuivre cet idéal !

Et sur les dix-huit prochaines ?

Je regarde l’avenir avec enthousiasme. Nous avons de magnifiques projets devant nous, de grands textes littéraires, poétiques, spirituels, qui permettent de poser sur le monde un regard large et éclairé. Et nous avons la chance de travailler avec Valentine Marguerat (responsable éditoriale), Clara de Brunier (responsable de la communication) et Adèle Fabre (responsable commerciale) dans le même état d’esprit et dans une ambiance chaleureuse et dynamisante.

Avez-vous des projets à venir qui vous tiennent à cœur ?

Tous ! Peut-être parce que les projets sur lesquels nous travaillons dialoguent entre eux d’une certaine façon… Les mythes fondateurs me passionnent, et notamment le mythe de la création, que nous allons explorer dans un livre que je me réjouis de mettre en œuvre.

Les Éditions Diane de Selliers ne publient qu’un livre par an, dans une société hyper active, est-ce un plus ou un moins ?

Je crois aux vertus de la lenteur, la nôtre, imposée par une recherche exigeante, et celle de nos lecteurs, qui rencontrent chaque année à travers nos livres un auteur, des artistes, une civilisation, une spiritualité : un univers en somme ! Un an il me semble que ce n’est pas trop pour savourer pleinement les multiples plaisirs que suscitent ces lectures illustrées et accompagnées d’un appareil critique exigeant et ambitieux.

Pensez-vous que le livre d’art apporte quelque chose au lecteur ?

La beauté est essentielle ! J’ai lu récemment un ouvrage de Jean-Pierre Changeux, qui analyse grâce à ses connaissances de neurologue l’effet de la beauté sur le cerveau. Explorer la richesse des sens, le pouvoir évocateur et l’harmonie d’un texte face à une œuvre d’art, cela provoque tout simplement une joie profonde !

Quelle idée vous faites-vous du livre parfait ?

Un livre qui allie le plaisir des yeux et de l’esprit, qui nourrit l’imaginaire, élargit le regard que l’on porte sur le monde, et grâce auquel on ressent à chaque fois que l’on s’y plonge une vibration différente, en écho à notre vie.

À l’heure du numérique, réaliser des livres d’art est-ce vraiment raisonnable ?

Je crois à la présence physique des livres, et pas seulement des livres d’art d’ailleurs. Ils sont une part de nous-mêmes et les compagnons d’un moment de vie. Ceci dit, le numérique peut, dans certains cas, offrir un champ de possibilités nouvelles pour un éditeur de livre d’art. Nous en avons fait l’expérience, notamment avec l’édition digitale d’Alice au Pays des Merveilles illunimé par Pat Andrea.

Avez-vous une anecdote de votre meilleure souvenir d’éditrice ?

Une seule ?! Il y a les souvenirs liés aux personnes que j’ai eu la chance de rencontrer, les émotions ressenties à la lecture d’un texte, ou encore la joie éprouvée lorsqu’un document iconographique qu’on pensait ne jamais obtenir arrive enfin… Mais j’évoquerais un souvenir fondateur : en septembre 2005, le jour où les libraires ont découvert dans leurs cartons le Dit du Genji illustré par la peinture traditionnelle japonaise, ils ont été nombreux à téléphoner à la maison d’édition pour nous faire part de leur enthousiasme et de leur admiration. Je n’avais jamais connu un tel élan, et j’ai ressenti ce jour-là, de façon claire et émouvante, le lien qui existe entre le plaisir que nous avons, quelles que soient les difficultés, à publier ces livres d’excellence et le plaisir que nos lecteurs ont à les recevoir. Ce lien sincère et généreux m’inspire !